Quatrième de couverture
À neuf ans, dans le Japon d'avant la Seconde Guerre mondiale, Sayuri est vendue par son père, un modeste pêcheur, à une maison de plaisir de Kyoto. Dotée d'extraordinaires yeux bleus, la petite fille comprend vite qu'il faut mettre à profit la chance qui est la sienne. Elle se plie avec docilité à l'initiation difficile qui fera d'elle une vraie geisha.
Art de la toilette et de la coiffure, rituel du thé, science du chant, de la danse et de l'amour : Sayuri va peu à peu se hisser au rang des geishas les plus convoitées de la ville. Les riches, les puissants se disputeront ses faveurs. Elle triomphera des pièges que lui tend la haine d'une rivale. Elle rencontrera finalement l'amour...
Écrit sous la forme de mémoires, ce récit a la véracité d'un exceptionnel document et le souffle d'un grand roman. Il nous entraîne au cœur d'un univers exotique où se mêlent érotisme et perversité, cruauté et raffinement, séduction et mystère.
[J'ai lu l'édition Le livre de poche ~ publié en 1997 ~ 575 pages]
Mon avis
* Le livre
J'ai voulu lire ce livre parce que j'ai entendu parler (en bien) du film qui a suivit le livre, et qu'après avoir lu Métaphysique des tubes, livre de Amélie Nothomb parlant du Japon, j'avais envie d'en savoir un peu plus sur ce pays.
C'était une très belle lecture et un beau coup de coeur ! Je ne pensais pas que j'aimerais autant un livre classé "historique", pourtant je n'ai pas du tout sentit ce côté, tant le côté romancé de l'histoire était intéressant !
L'histoire est écrite sous forme de témoignage autobiographique à la première personne, raconté par l'illustre geisha Sayuri Nitta qui raconte son évolution et comment elle est passée de "la petite Chiyo de Yoroido" à "la grande Sayuri de Kyoto", comme il est dit dans le prologue.
Après, le récit commence et on fait la connaissance de Chiyo, fillette de neuf ans habitant un petit village de pêcheurs appelé Yoroido. Elle vit avec son père, un vieux pêcheur, sa mère malade et sa grande soeur de quinze ans Satsu. Sa vie bascule lorsque que sa soeur et elle sont vendues et arrachées à leur village natal puis emmenées à Kyoto. Grâce à ses beaux yeux bleus (inhabituels dans la région), Chiyo se retrouvera dans une okyia (maison de geishas) dans le quartier de Gion. Elle va alors commencer son apprentissage difficile pour devenir une geisha de qualité, mais son parcours sera plein d'obstacles, à commencer par Hatsumomo, la belle geisha de l'okyia, qui a désigné la pauvre Chiyo comme son ennemie et souffre-douleur...
Vous vous demandez peut-être qu'est ce qu'une geisha ? Elle est avant tout une artiste qui dédie sa vie aux arts traditionnels japonnais :
« J'ai parlé du cours de shamisen, avec Mme Souris. Toutefois, une geisha doit apprendre d'autres arts. Le "gei" de geisha signifie "arts", le mot geisha artisan, ou artiste. »
p. 205 de l'édition Le livre de poche 1997
Elle fait payer ses services à ses clients qui sont des hommes et leur tient compagnie dans des salons de thés : elle a pour rôle de les divertir et les séduire.
Chiyo est une petite fille adorable et très intelligente. Elle a beaucoup d'imagination et aime faire des métaphores, d'ailleurs ses images sont souvent poétiques ^^
« Dans notre village de pêcheurs, à Yoroido, je vivais dans ce que j'appelais une "maison ivre". Elle se trouvait près d'une falaise où le vent de l'océan soufflait en permanence. Enfant, j'avais l'impression que la mer avait attrapé un énorme rhume, parce qu'elle faisait des bruits sifflants. Il y avait même des moments où elle lâchait un gros éternuement - un coup de vent chargé d'embruns. J'en déduisis que notre petite maison avait dû s'offenser des éternuements que lui crachait l'océan en pleine face, et qu'elle s'était mise à pencher vers l'arrière parce qu'elle voulait s'en écarter. Elle se serait sans doute écroulée, si mon père n'avait pas taillé un madrier dans l'épave d'un bateau de pêche pour soutenir l'avant-toit. Ainsi, la maison ressemblait à un vieil homme éméché, qui s'appuie sur sa canne. »
p.17 de l'édition Le livre de poche 1997
Elle est aussi naïve, au début en tout cas : elle rêve souvent et imagine des choses bien loin de la réalité. En effet, elle ne s'attendait pas du tout à être arrachée de sa ville pour être emmenée dans une okyia de geishas (dont elle ignorait même l'existance x)) lorsque M. Tanaka est venu la chercher, sa soeur Satsu et elle. Elle a également fait montré son courage et sa volonté dans sa résistance aux méchancetés d'Hatsumomo et sa tenacité malgré les épreuves difficiles qu'elle va subir. Sa vie est dure, elle va même penser plusieurs fois à abandonner mais heureusement, une certaine rencontre va lui redonner espoir... ;)
J'ai beaucoup aimé cet univers et cette ambiance spéciale. Tout le "théâtre de la société" qu'on voit m'a un peu rappelé les mondanités de la Cour de Louis XIV... La culture japonaise m'est plutôt inconnue et j'ai appris beaucoup de choses passionnantes sur l'art de devenir une geisha, comme la cérémonie du thé ou du saké, le rituel du kimono ou du maquillage...
« Pour clore la matinée, j'étudiais la cérémonie du thé. On a écrit maints ouvrages sur le sujet, aussi ne vais-je pas entrer dans les détails. Pour l'essentiel, sachez que la cérémonie du thé est célébrée par une ou deux officiantes. Assises devant leurs invités, elles préparent le thé de façon traditionnelle. Elles utilisent de jolies tasses, des fouets en bambou. Même les invités s'intègrent au rituel, car il y a une façon de tenir sa tasse, et une façon de boire le thé. Ne pensez pas que l'on s'assoie pour boire une tasse de thé. Il s'agit davantage d'une danse, d'une méditation, qui se pratique assis sur ses talons. Le thé - des feuilles réduites en poudre - sera battu dans l'eau bouillante jusqu'à former un breuvage vert et mousseux, ou "matcha", très peu apprécié des étrangers. Ce thé ressemble à de l'eau savonneuse de couleur verte. Il a un goût amer, auquel il faut s'habituer.
Dans la formation d'une geisha, la cérémonie du thé a une grande importance. Il n'est pas rare qu'une réception chez un particulier commence par une brève cérémonie du thé. Les hommes qui assistent aux danses du printemps, à Gion, se voient servir le thé par des geishas avant le spectacle. »
p. 208-209 de l'édition Le livre de poche 1997
... et sur leur vie, bien remplie entre les cours (chants, danse, manières... c'est un art très raffiné et difficile !) et leur travail à l'okyia (puis après les soirées dans les maisons de thé une fois que l'apprentie devient officiellement geisha). Il y a aussi les combats de sumos et les ballets de danse.
« Une apprentie geisha doit maîtriser la pratique de plusieurs arts, ce qui n'est pas simple. En outre, elle mène une vie trépidante. Elle passe la matinée en cours, et travaille l'après-midi et le soir à l'okyia. Elle ne dort que quatre ou cinq heures par nuit. »
p. 209 de l'édition Le livre de poche 1997
« Après le tambour, la flûte et le shamisen, je prenais une leçon de chant. Nous chantons beaucoup, dans les fêtes, au Japon - les hommes viennent à Gion pour ses fêtes. (...)
Nous étudions cinq genres de chants différents - il en existe des dizaines. Il y a des chansons populaires, de longs morceaux chantés extraits du théâtre Kabuki, et de cours poèmes musicaux. Je ne pourrais tous les décrire. Mais je trouve la plupart de ces pièces musicales enchanteresses, même si les étrangers ont plutôt l'impression d'entendre des chats miauler dans la cour d'un temple que d'assister à un concert. Les chants traditionnels japonnais sont très "gazouillants" - des sons de gorge, généralement émis par le nez. Cela dit, tout dépend à quoi est habituée votre oreille. »
p.207 de l'édition Le livre de poche 1997
Avec tous ces éléments qui sont nouveaux pour moi, j'ai trouvé l'histoire originale ! (en tout cas ça change des romans plus occidentaux que je lis d'habitude ^^).
Il y a quelques nouveaux mots de vocabulaire spécifique à assimiler au début ("obi", "shamisen", "jorou-ya"... expliqués bien sûr ).
On voit aussi les petits trucs et astuces que les geishas utilisent pour parvenir à leurs fins, j'ai adoré Cette astuce m'a fait sourire :
« Les hommes ne s'intéressent qu'à une chose, tu t'en apercevra vite. Cela dit, rien ne t'empêche de flatter un monsieur en lui laissant croire qu'il voit des parties de ton corps que les autres ne voient pas. Quand une apprentie sert le thé comme tu viens de faire, et comme le ferait une servante, les hommes perdent espoir. Essaie encore, mais d'abord montre-moi ton bras.
Je laissai ma manche glisser jusque sous mon coude, et tendis mon bras pour que Mameha le voie. Elle le prit, l'examina de haut en bas.
- Tu as une belle peau, un joli bras. Fais en sorte que les hommes qui s'assoiront à côté de toi le voient au moins une fois.
Aussi continuai-je à servir du thé, jusqu'au moment où Mameha estima que j'exposais mon bras avec le naturel requis. Il ne s'agissait pas de remonter ma manche jusqu'au coude, c'eût été ridicule, mais d'écarter cette manche avec désinvolture, et de profiter de l'occasion pour montrer quelques centimètres de chair supplémentaires. D'après Mameha, la partie interne de l'avant-bras étant la plus émouvante, j'allais devoir m'arranger pour que les hommes l'entrevissent.
Elle me demanda de recommencer, en imaginant cette fois que je servais le thé à la maîtresse de l'Ichiriki. Je découvris mon bras de la même façon que tout à l'heure. Mameha fit la grimace.
- Enfin Sayuri, je suis une femme ! s'écria-t-elle. Pourquoi exhibes-tu ton bras comme ça ? Tu essaies probablement de me rendre jalouse ?
- De vous rendre jalouse ?
- Que pourrais-je penser d'autre ? Tu me montres combien tu es jeune et belle, alors que je suis déjà vieille et décrépite. A moins que tu n'aies voulu être obscène...
- Obscène ?
- Pourquoi aurais-tu exposé le dessous de ton bras avec une telle ostentation ? Tu pourrais aussi bien me montrer la plante de ton pied ou l'intérieur de ta cuisse. Si je vois un bout de chair par hasard, ça va. Mais me montrer ton bras de façon aussi ostentatoire ! »
p. 241-242 de l'édition Le livre de poche 1997
Mais ma scène préférée est quand notre apprentie geisha apprend à arrêter un homme dans la rue d'un simple regard (je vous la laisse découvrir vous-même, pour ceux qui l'ont lus c'est p. 230 de l'édition Le livre de poche 1997)
C'est vraiment très bien écrit, j'imaginais parfaitement tout ce que l'auteur racontait. On a beaucoup de superbes descriptions, en particulier de kimonos (qui donnent vraiment envie d'en avoir ou au moins d'en voir un ♥) :
« Et là, sur la marche de l'entrée, glissant ses pieds dans ses zoris laqués, m'apparut une femme d'une exquise beauté. Elle portait un kimono somptueux. Je n'aurais jamais pu imaginer quelque chose d'aussi beau. Déjà, le kimono de la geisha au physique ingrat, dans le village de M. Tanaka, m'avait impressionné. Mais celui-là était d'un bleu céruléen, avec des spirales ivoirines, figurant les tourbillons d'une rivière. Des truites scintillantes filaient dans le courant. Des arbres bordaient l'onde. Il y avait un petit cercle doré à chaque point de contact entre les feuilles vert tendre et l'eau. Je ne doutait pas que ce kimono fût en soie, ainsi que l'obi, brodé dans des tons pastel, jaune et vert. Ce kimono était extraordinaire, tout comme la femme qui le portait. Elle avait le visage maquillé en blanc, un blanc éclatant comme un flan d'un nuage éclaboussé par le soleil. Sa coiffure, deux lobes noirs brillant du même éclat sombre que la laque, était ornée de diverses parures d'ambre sculpté et d'une barrette, ou pendillait de minuscules lamelles argentées, miroitant au moindre mouvement. »
p. 59-60 de l'édition Le livre de poche 1997
Malgré ma réticence aux livres historiques en général, je suis très contente d'avoir découvert celui-ci ! Peut-être que je tenterais encore l'expérience ;)
C'est le genre de livre qui fait voyager, une histoire magnifique à ne pas manquer !!
Ma note
10/10
Extraits
J'avoue que je me suis lâchée pour le nombre d'extraits x) Mais il a plein de beaux passages, j'étais obligée ! ;p J'en ai mis beaucoup dans mon avis pour illustrer ce que je disais, mais il y en a encore deux plus philosophiques que j'ai trouvé sur booknode et que je voudrais ajouter
« Nous savons qu'un paysage d'hiver, avec des arbres couverts de neige, sera méconnaissable au printemps. Toutefois, je n'avais jamais pensé qu'il pouvait en être de même pour nous, humains. Quand j'appris que [spoiler surlignez mes parents étaient morts], ce fut comme si j'avais été ensevelie sous une grosse couche de neige. Mais avec le temps, la neige avait fondu. A la place apparaissait un paysage que je n'avais jamais vu, ni même imaginé. A la veille de mes débuts, j'étais comme un jardin où de jeunes pousses commençaient à percer. On ne savait pas encore à quoi elles allaient ressembler. Je débordais d'excitation. Au milieu de mon jardin imaginaire se dressait une statue : celle de la geisha que je désirais devenir. »
« Dans mon adolescence je pensais que ma vie eut été plus facile si Mr Tanaka ne m'avait pas arraché à ma petite maison ivre. Aujourd'hui je sais que notre univers n'est pas plus réel qu'une vague qui se dresse à la surface de l'océan quelles que soient nos luttes nos triomphes, quelle que soit la façon dont ils nous affectent, ils ne tardent pas à se fondre en un lavis, à s'estomper, comme de l'encre diluée sur du papier. »
Et pour finir une belle phrase que j'ai beaucoup aimé, mais attention ne surlignez pas si vous n'avez pas lu le livre !
ATTENTION SPOILER
* J'ai adoré l'histoire d'amour super romantique entre Sayuri et le Président ;D Je l'aimais bien dès le début celui-là ♥ lol
« Je suis sure d'une chose, c'est que chacun des pas que j'ai fait, du jour où je vous ai rencontré sur ce pont, n'avait d'autre but que de me rapprocher de vous. »*
FIN DU SPOILER
* L'adaptation cinématographique de Rob Marshall
Après avoir lu le livre, j'ai regardé l'adaptation du roman en film (appelée "Mémoires d'une geisha") réalisée par Rob Marshall et parue en 2006, dont les acteurs principaux sont interprètés par Zhang Ziyi (Sayuri), Suzuka Ohgo (la petite Chiyo), Gong Li (Hatsumomo), Michelle Yeoh (Mameha) et Ken Watanabe (le Président).
Je suis très contente de l'adaptation, c'était un très bon film qui a parfaitement respecté l'esprit du livre !
Même si (aller la petite critique d'éléments sans importance :p) quand on vient de lire le livre il y a quelques détails différents (par exemple : Chiyo est née l'année du singe dans le livre, mais l'année du coq dans le film... mais bon j'avoue que je chipote pour rien là :p fallait bien que je trouve une critique ! )
Les acteurs sont plutôt bien choisis, j'ai beaucoup aimé la petite Chiyo et la grande Sayuri, le Président est pas mal et mère, Mameha très bien, Hatsumomo et Nobi sont exactement comme j'imaginais ! ;D J'ai particulièrement aimé le jeu de la Pumpkin adulte vers la fin (son personnage est bien cerné !)...
Les décors m'ont beaucoup plus, c'est ressemblant à ce que j'imaginais, voire mieux dans certains très jolis cadres (comme celui de la fête des oliviers). On a beaucoup de belles images, comme le ballet "Le sacre du printemps" au théâtre où Sayuri danse très bien, avec son beau costume et ses évantails, ou les scènes de natures (fleurie avec les cerisiers...) =)
La mise en scène et la réalisation m'ont plues : les principales scènes ont été gardées et correspondent bien à l'histoire du livre, la petite musique japonaise en fond est sympa, les arrangements sont faits pour que le spectateur extérieur comprenne l'histoire malgré les explications réduites et la période de la guerre est bien amenée.
Coup de coeur pour la dernière scène, avec l'émotion et les super beaux décors (romantiiiques :p)... superbe ! Ma préférée du film ! (avec celle de la rencontre sur le pont ^^)
Vous l'aurez deviné, le film est largement à la hauteur de mes espérences et bien au niveau du livre (même si bien sûr, je préfère le livre car plus de détails, belle écriture etc ) !
Quelques images :
La petite Chiyo (Suzuka Ohgo), trop mimi cette actrice ^^
La fameuse glace après la scène du pont :)
Zhang Ziyi alias Sayuri, danse avec les éventails *-* ♥
Danses pendant du spectacle "Le sacre du printemps" au théâtre, par Zhang Ziyi - Sayuri
Sayuri et le Président (joué par Ken Watanabe) à la fête des cerisiers en fleurs :)
La bande annonce du film :
Vous pourrez aussi lire d'autres avis sur sa fiche bibliomania de livraddict :
Lecture faisant partie des :
(c'est ma lettre G et j'en suis à 7/26)
(j'en suis à 4/7)
et Challenge Regarde ce que tu lis !
C'est ma deuxième participation (livre-film chroniqués) :)
Si tu as eu le courage de lire le pavé que j'ai écris, bravo ! :p et merci :)